Le silence de ma belle m'inquiétait d'autant plus de son absence. Je commençais même à craindre pour sa vie. Je pensais cela normal au début, elle était en mission et peut être en terre hostile, pas évident d'envoyer un message… Je l'avais perdu physiquement de vue après la fête pour la paix à Jeyd, puis je l'ai su encore en mission dans le nord. De là je passais quelques jours au château, puis je partais en mission pour renflouer nos caisses. Epaulé par une drôle d'alliée, une sorcière noire, nous découvrions un El Dorado particulier et aidions à rétablir un semblant de paix et  sauver de jeunes filles captives d'un autre sorcier noir… Je rentrais chez moi, établis des projets et rejoignais Jack, un ami infaillible et une personne que j'appréciais grandement pour mener à bien une mission assez simple à Estéria. Nous pouvons toujours compter sur nos amis pour nous faire changer d'air. J'ai aussi rencontré de nouvelles personnes avec qui j'avais de l'amitié.

Deux soirs après que j'eus quitté Jack, sur le chemin du retour, le cœur toujours lourd de l'absence de réponse et de contact avec ma belle, un étrange messager voulait me voir. Je descendais dans la salle commune de l'auberge pour le rencontrer. Il me remit une lettre et repartait. Je m'assis à un table dans un coin, commandais une chope et ouvrais la missive. Mes yeux s'écarquillèrent aux premiers mots que je lisais après la date. J'étais bien assis, mais mes épaules m'en tombèrent. La serveuse posait ma commande sur la table, mais je ne pouvais déverrouiller mes yeux de ma lecture. Elle dut hausser les épaules et partir.

La lettre était datée de peu de temps après mon départ pour Parlac, quelques jours après que j'eus quitté le château. C'était Ivin qui m'écrivait pour m'alerter de l'état d'Eléa. Je fus bouleversé par la nouvelle et reçu un coup droit dans le cœur. J'apprenais donc qu'Eléa m'avait oublié à cause d'un sortilège que son père lui avait lancé. Ni une ni deux, fidèle à moi-même je complotais déjà ! Je le tuais au moins mille fois en pensée, le torturais quelque fois, mais je gardais mon sang froid et en revenais à la réalité. Je finis même par payer ma consommation. Je réfléchis alors à mes solutions et ce que je devis faire : rompre le charme si cela était encore possible et mettre Eléa en sureté.

J'établis mon plan et écrivais d'abord à Ivin en l'informant que je savais bien à présent de quoi il en retournais. J'écrivis ensuite à Jean pour qu'il m'écrive une lettre pour l'école de magie de Fortilia. En effet, premièrement il me fallait de l'aide pour casser ce puissant sortilège, mais je ne pouvais pas m'adresser directement aux dignitaires pour deux raisons : ils sauraient que c'est pour nuire au père d'Eléa qui est, je ne l'oubliais pas, un mage important, et parce que je souhaitais que mon aptitude à devenir grand maître soit reconnue. Deuxièmement, je devais à la fois rejoindre Eléa, car je ne pouvais concevoir de plan sans que je l'ai sous les yeux, et mener mes opérations non loin d'elle. Une fois tout ce travail fini, j'envoyais les lettres par ma boite magique que Jean avait aussi au château.

Je ne dormais quasiment pas de la nuit à m'imaginer côtoyer cette femme que je chérissais tant sans qu'elle ne me reconnaisse. Je pensais donc à divers moyen pour me faire accepter comme son allié pour la protéger. Je rêvais même que dans le pire des cas je la reconquerrai mais que son père ne me serait plus un obstacle. J'étais définitivement résigné et étais prêt à en donner ma vie. Cet homme, ou plutôt oui, cet elfe m'avait prit ce que j'avais de plus précieux et je jurais de lui faire regretter.

Le lendemain, j'avais reçu la réponse de Jean. Je corrigeais ses fautes d'orthographe, ses tournures et lui renvoyais. Il me la recopia, ajoutant un mot d'encouragement de la famille. Je gardais la lettre et lui écrivis un mot de remerciement. J'allais en personne à Fortilia, ne courant jamais aussi vite ! Je déposais la lettre au palais, la réponse serait adressée au palais. J'allais à l'auberge, lieu de tout renseignements en tout royaume… Les langues furent difficiles à délier, mais j'obtenais enfin le lieu où Eléa fut envoyée en mission et le nom de l'homme étant à la tête de la petite troupe. Ces informations me conduisirent à la frontière avec les terres hostiles. Le camp elfique devait se tenir en position avancée dans les territoires hostiles. Je trouvais les traces d'un passage et les suivais à travers les bois jusqu'à un camp caché. Je m'approchais discrètement à couvert et caché pour voir si je ne pouvais voir Eléa.

Le camp était très animé et les ordres de mission allaient vite. Je me cachais derrière la végétation pour que les cavaliers entrant et sortant du périmètre ne puisse pas me voir. Il y en est un que je reconnu parmi cent autre : Ivin !

Je lui barrais la route alors qu'il passait à proximité de ma position. Il me reconnu immédiatement et me sourit franchement. Je me cachais alors derrière un arbre pour que personne ne puisse nous voir. Nous nous éloignions ensuite avant de prononcer quelques mots. Lorsque j'appris qu'Eléa était bel et bien là mon cœur se mit à battre plus fort. La mélancolie reprenait sitôt sa place dans la conscience de la situation présente. Ivin et moi échangions un moment avant que le temps du devoir ne le rappelle urgemment. Il repartit en me saluant à la façon d'un cavalier homme et fila à travers les bois à vive allure.

Je contournais le camp et cherchais ma douce. C'est sa voix qui guidèrent mes yeux vers elle. Je la trouvais comme la première fois que nous nous étions vus. Elle était en arme et prête au combat, donnait quelques ordres et se dirigeait vers une plus grande tente pour surement en recevoir… Je soupirais en pensant qu'elle n'aimait pas cette vie là, qu'elle avait préféré sa liberté à la destinée tracée par son père… Je me ressaisis et me mis en tête d'être prêt d'elle. Comment ?

Mon sens de l'observation me donnait à voir quelques éléments non elfes dans cette troupe. Je remarquais aussi qu'ils étaient employés comme sorte de second. Il y avait un nain à la vaisselle, un homme en page, un autre en écuyer. Je décidais alors de m'introduire ainsi auprès d'Eléa. En attendant une réponse et un autre combat à mener, je pourrais biens trouver un moyen de la côtoyer et la protéger secrètement. J'interceptais un homme parti chercher de l'eau (un grand classique qui a toujours sa force) et lui demandais comment travailler ici. Il me dit de m'adresser à une certaine personne à l'auberge, ce que je fis immédiatement dans l'après-midi. Cet homme, capitaine de garde, testa mes réflexes, ma vue, regarda ma santé générale… Je lus le contrat et remarquais qu'il était stipulé ne pas devoir posséder de magie. Comme aucun être magique ne peuplait ce camp pour me démasquer je dis que j'en avais pas et signais. Le gars me regarda droit dans les yeux, eut un sourire sadique et lança à l'autre elfe :

"Emmène donc ce dur à cuire à la commande, il se débrouillerons"

De retour au camp je fus introduis dans la grande tente. Le chef m'acceptait. Il me demandait si je servirais une nouvelle recrue. Je haussais les épaules et acceptais. Il cria alors en elfique:

"Aller me chercher le soldat Edgerton !!!"

Je connaissais ce nom… Faut dire que leur langue et prononciation m'aidait pas… Je frissonnais en comprenant pourquoi et voyant entrer Eléa. Je ne pipais pas et attendais là où l'on m'avait dit de me tenir. Le chef reprit la parole vers Eléa :

"Voici votre futur second, vous pouvez disposer"

Il fit un geste rapide de la main et replongeait le nez dans ses papiers. Je devais bien avouer ne pas avoir tout compris, mais elle retournait vite les talons dehors et je devais la suivre. Une fois en face d'elle, là arrêté devant elle, je ne savais pas quoi dire. Facile d'imaginer des plans, mais faudrait les peaufiner un peu plus certaines fois…

Je me répétais sans cesse qu'elle ne me connaissait pas et ne savait pas ce que nous avions vécus. Je me paralysais à admirer sa beauté. Je restais figé, amoureux et prisonnier. Sa réponse tranchante me réveillais et je revenais durement à la réalité. je ne sus trop quoi répondre et lâchais un :

"Oui chef ! ..."

Une fois qu'elle était repartie, cette réponse me fit sourire. Jamais avant je n'aurais pu penser l'appeler chef. Elle m'avait laissé devant ce coin de tente coincée entre deux autres. Mon voisin nain me saluait alors qu'il finissait sa plonge. Il me lançait joyeusement son prénom :

"Galdur !"

Ce à quoi je répondais avec le même entrain du mien en souriant. Les nains étaient plus sympathiques que les elfes. Je savais et appréciais leur valeur, mais ici lui et moi étions à peu de chose considérés à effectuer des tâches ingrates. De l'autre côté siégeait un elfe à l'air peu sympathique à retendre et réparer des arcs. Je soupirais en le snobant à mon tour. je rentrais et posais mes maigres affaires sur le sol.

Comme je ne voulais pas griller ma couverture, je décidais de lire, mais pas un livre à propos de magie. Je choisis donc un ouvrage sur les stratégies militaires en milieu forestier. Eléa reparut l'air piaffant en face de moi. Je refermais vite mon livre et sortais de la tente droit sur mes pieds. Je ne lui laissais pas le temps de me lancer un ordre et répondais à ses dires de tout à l'heure :

"Je ne parle pas l'elfique et le comprends guère. Je ne vous regarde pas comme un objet et vous considère pour ce que vous devez être pour moi. Sachez que je vous suivrais jusqu'au bout du monde !"

Ces paroles prenaient une autre dimension dans mon cœur, mais elle ne pouvait pas relever dans ma voix une once de mensonge. Je ne demandais à présent qu'à la suivre. J'attendais une réponse prochaine de Jean ou bien d'Ivin…

Si j'étais un homme sensible à l'intimidation cette nouvelle version d'Eléa me ferait de l'effet. Malgré l'autorité dont elle voulait faire prendre j'esquissais un léger sourire que je changeais pour un air sérieux lorsque je crus qu'elle m'insultait en elfe. Je soupirais à la traduction et prenais mes affaires pour la suivre. C'était bizarre d'avoir à porter mon sac et mes armes. Mon regard jusqu'à la tente ne se portait pas sur le chemin, mais je restais concentré tout de même sur ce leitmotiv : elle ne sait plus…

Arrivés à la tente des chefs elfes commandaient une attaque vers un présumé camp d'elfes noirs. Nous devions partir en reconnaissance avec douze hommes au total. Nous ressortions pour nous préparer pour l'expédition du soir. Attendant ce moment je liais amitié avec le nain qui faisait parti du voyage. Je riais quand il m'avouait devoir garder le silence, ne pas chanter et ne pas conter d'histoire le soir. Il me montrait son remède : il écrivait ses pensées, aventures, etc. L

Les ordres nous firent sursauter. Je retombait dans mes premières années de mage de guerre, sans le côté mage… Nous partions en expédition en file indienne dans la forêt. Eléa était en tête de file et comme les elfes n'avaient pas confiance envers les non elfes nous nous retrouvions au milieu de la file. Nous avancions calmement et recherchions des traces. Je captais une conversation entre Eléa et son sous-chef et relevais les sourcils à ce que dit celui-ci : les ordres étaient de faire quelques prisonniers et tuer les dissidents…

Cet ordre allait à l'encontre de mes principes. J'avais beau être sous couverture je ne pouvais pas déroger à ma façon de penser et de faire. Les elfes noirs étaient des ennemis du roi car il ne pensaient pas de la même façon. Etait-ce une raison suffisante pour leur interdire de vivre ? La paix n'avait-elle pas signée avec eux également ? Je pris la décision de les protéger et trouver une solution, même si je devais me soulever contre ses ordres. Mon cœur se serrait à l'idée de perdre ma douce et je soupirais. Galdur sourit et me chuchotait que l'amour n'avait pas de frontière. Il prenait un chut et un regard mauvais qui nous fit sourire.

Je repérais des traces. Galdur était un peu plus avancée, les groupe moins discipliné en ligne. Je regardais que personne ne soit dans ma direction et passait mon pied pour effacer ses fines traces. Plus loin j'enlevais un bout de tissu. Les pisteurs elfes de cette équipe n'était pas les plus doués. Eléa elle avait vu quelques traces, mais pas suffisantes pour donner une direction précise. La nuit tombée nous continuions, mais la fatigue prenait le dessus et nous rentrions au camp.

Je me couchais et établis un rapide plan, non qu'il soit réfléchis mais je devais faire vite et bien, demain les elfes noirs ne pourraient pas en réchapper. Je me levais et surveillais les gardes. J'eus l'occasion de m'éclipser. Je retrouvais les traces grâce à ma magie restant vigilant sur mes arrières. J'arrivais à proximité du petit camp des elfes noirs et notais leur petit nombre. Notre expédition en aurait fait qu'une bouchée. J'hésitais un instant. Je restais pourtant sur la même idée, faisant fis qu'Eléa me considère comme un traitre. Je m'avançais à découvert et fut vite repéré. Je n'étais pas armé. Je fus mené au chef et m'entretient avec lui. C'était un elfe très sympathique qui me fut reconnaissant. Ils n'étaient pas belliqueux mais revendiquaient simplement le droit de vivre selon leurs principes et valeurs, qui me parlaient bien plus que celles des elfes.

Pendant qu'eux levaient le camp, je retournais sur mes pas en les masquant à mesure. Je mènerais la troupe d'expédition à ce camp vide demain. Je soupirais et regardais mes pieds en rentrant. Je sentais magiquement la présence d'Eléa dans le camp. Je sentais qu'elle était un peu énervée et peut-être me cherchait elle. Comme je n'étais pas censé avoir de pouvoir j'avançais à couvert et me glissais dans ma tente mine de rien…

En revenant du camp je trouvais ma chef en train de me chercher. Avec ses nouveaux airs et façon de penser comme un bon petit soldat ne laissant guère court à son propre jugement je ne savais pas trop à quoi m'attendre. En tout cas, dans les grandes lignes, je savais que j'allais me prendre un savon. Elle s'approcha de moi d'un pas déterminé, voire quelque peu colérique, puis me déblatéra un truc dans son jargon elfique. Je me tenais devant elle, les yeux sur elle en attendant qu'elle ait finie. Une fois qu'elle en prit conscience, je pris l'essentiel du sermon de façon bien compréhensible. Finalement, ouf, j'étais sauvé. Je lui glissais un "Bonne nuit…" alors qu'elle tournait les talons.

Je rejoins mon nouvel ami nain dans la tente et répondais à son sourire moqueur par le mien. Je posais quelques affaires et m'allongeait en pensant à comment j'allais la retrouver, ou encore comment lui apprendre la traitrise de son père … Je m'endormis ainsi, en réfléchissant à tout un tas de possibilités.

Nous fûmes réveillés dans la nuit par les cris d'un elfe… Nous nous habillâmes très vite et je fus l'un des premiers à sortir le ne dehors. Un elfe noir, grande surprise, courait au milieu de notre camp avec agilité afin de nous alerter d'une attaque d'orcs imminente. On le laissa filer en entendant des bruits de la forêt venant confirmer rapidement ses dires. Moi qui pensait attendre des nouvelles d'Irvin ici bien tranquillement, c'était bien râpé…

Armés, en lignes successivement organisées, nous vîmes arriver un horde braillante d'orcs. Ils étaient lourdement armés par rapport à ces elfes. Je soupirais, je voulais passer incognito moi, mais je devais défendre ma peau et les leurs. J'engageais le combat dans un heurt violent avec un orc baveux armé d'une lourde hache et protégé par une armure en métal. La masse qui venait d'arriver sur moi me fit reculer de plus d'un mètre, faisant vaciller mes appuis. Aux prises avec lui, je dus parer durement ses coups puissants puis le tuer avec un coup rapide et précis. J'exécutais le suivant grâce à une botte parfaitement effectué dans sa gorge. Si je continuais ainsi, ça allait être un massacre. Les archers se débrouillaient bien, mais ils manquaient d'amplitude. C'est alors que je fus stupéfié d'un coup qui allait se rendre mortel juste à côté de moi si je n'agissais pas en mage de guerre. Un orc se tenait au-dessus d'un elfe, prêt à abattre sa hache pour lui couper la tête. Comme par réflexe un instinct altruiste, je tendis la main et laissais s'en échapper une formidable boule d'énergie d'un blanc pur. L'orc apprit littéralement à voler à cette dernière seconde de sa vie. Ce coup de grâce pétrifia une seconde l'ensemble des combattants, la crainte étant palpable tant chez les orcs que chez les elfes. Aucun remerciement, un état de choc …

Grillé pour grillé, j'utilisais ma magie jusqu'à ce que les orcs, quasi tous décimés, se mettent en fuite. Une fois le combat terminé, j'allais soigner l'elfe noir, prit dans le combat. Il accepta mes sons lui, les autres refusaient mon aide. Du coin du regard je vis Galdur grimacer, non de souffrance, mais pour ce qui allait m'arriver. L'elfe oir et moi fûmes mis en prison et enchaînés…

Tout ne pouvait pas toujours fonctionner et ma vie devait se heurter à de gros rochers. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu une telle lourdeur dans l'âme et le cœur serré. Emprisonné alors, Eléa me regardait toujours comme si elle ne me connaissait pas. Un petit conseil décida de nous autres prisonniers aux travaux forcés. Je n'en aurais eu cure si Irvin n'était pas revenu. Il m'annonçait avec tristesse que mes efforts étaient vains et que si je continuais ainsi son père allait finir par mettre ma tête à prix.

Je m'enfuis... Oui, c'était une solution pour que j'avance, une décision lourde qui me fis perdre mes moyens pendant ma fuite. J'emmenais avec moi l'autre prisonnier et nous nous évadions. Je repensais à ce moment chaque minute, mais je ne revenais pas sur ma décision, c'était terminé. Je ne pourrais retrouver Eléa, et à présent je devais aller de l'avant. Ma route se séparait de celle de mon camarade de fortune et je retournais d'abord auprès de mes amis au château, mais j'avais besoin d'air, d'aventure, de risque. Je pris donc de nouveau la route vers de nouvelles contrées...

FIN