Je n’avais pas pu profiter de mon retour sur Darkflagst longtemps. Même pas une semaine pour vaquer à mes occupations personnelles que le chambellan me faisait déjà mander. Être trop efficace est parfois source d’afflux excessif de travail. Je me rendais donc au bureau du Chambellan de bon matin. Je passais tous les contrôles sans encombre. On commençait à bien me connaitre dans ses lieux. J’ai même eu accès à des parties du bâtiment où seuls les initiés étaient autorisés à venir. Un greffier me fit patienter dans le couloir. Je m’installais dans un fauteuil couvert de brocard pourpre. Un tapis du même ton feutrait le bruit des pas. Quelques peintures aux murs, illustraient quelques sorciers célèbres. Ils étaient tous aussi laids les uns que les autres. Sur ma droite, un tableau illustrait une célèbre bataille à Darkflagst même. Dans les plaines au sud. L’armée des sorciers noirs avait vaincu, ce jour-là, la coalition des elfes et des humains. Aucun des deux clans, n’apprécie qu’on leur remémore ce jour où nous les avions écrasés malgré notre infériorité numéraire. Je ne devais pas avoir plus de trois ou quatre ans à ce moment-là. Depuis, les échanges économiques aidant, une paix très relative s’était installée. Le greffier me fit entrer. Je saluais le chambellan et m’assis sur le siège désigné.

- Bonjour Duncan. Me dit le chambellan
- Bonjour monsieur le chambellan.

Sans plus de formalité, il me tendit un ordre de mission. Le parchemin que je tenais, me montrait le portrait d’un homme et un extrait de sa biographie. Je parcourus rapidement la vie de ce gars. Et levais un sourcil interrogatif vers le chambellan.

Ordre de mission:

- Il est soupçonné de traitrise. Vérifie et assure-toi de sa loyauté.
- Et s’il n’est pas fidèle ?
- Élimination immédiate.
- Cela sera fait. A-t-on une idée, où il se trouve pour l’instant ?
- Oui, il a été aperçu, il y a deux jour du côté de Raha’Na.

J’en avais pour cinq jours de cheval. J’arriverais donc une semaine après son dernier signalement. J’espérais que l’homme ne bougerait pas trop et ne me ferait pas courir dans toute la province. Je rentrais donc chez moi, expédiais au plus vite ce qui ne pouvait attendre mon retour et entrepris de rassembler mes affaires et le ravitaillement pour un maximum de jour. Heureusement, mon cheval avait eu une semaine de repos, je pourrais le pousser un peu, et peut-être gagner une demie journée sur le trajet.

J’arrivais donc effectivement avec une demie journée d’avance à Raha’Na. Je lâchais mon cheval aux écuries et entrais dans l’unique auberge de cette petite ville.

J’entrai dans cette taverne persuadé qu’on allait me dire que mon bonhomme avait déjà levé le camp depuis des jours. Quand je croisais son regard. Il était pile devant moi ! Semblant vouloir quitter les lieux. Je jetais un œil à mon bout de papier, plus par acquis de conscience qu’autres choses. D’ailleurs l’aura qu’il poussait vers moi était en sommes un aveu. Tu n’es pas tranquille mon bonhomme. Je m’avançais vers lui, d’un pas assuré mais tranquille. Lui collais mon ordre de mission dans les mains et d’un coup de tête lui indiquait une table. J’ai l’impression de passer ma vie dans les tavernes quand je suis en mission !

- Puisque tu as la bonne idée de ne pas me faire courir dans les quatre coins de la lande, c’est moi qui régale.

Je m’assis sans attendre sa réponse, hélait une serveuse et commandais deux chopes et une assiette à grignoter. Ma chevauche à allure forcée m’avait ouvert l’appétit. J’observai ce Tyler. Il avait un peu changé par rapport au portrait que j’avais. Sa mâchoire avait forcie, il semblait plus musclé. Et son regard était beaucoup moins naïf que celle du jeune homme qui figurait sur l’avis de recherche.

Je n’avais aucune idée de comment j’allais m’y prendre, pour savoir s’il pouvait être considéré comme étant un traite. Bosser pour soi-même n’étant pas en soi un acte délictueux. Avant de partir, j’étais passé par l’école qu’il avait fréquentée et avais lu son dossier scolaire, les comptes rendu et avis de ses professeurs. Il était clair, que jeune, il avait eu du mal à rentrer dans le rang.

Je patientais, attendant qu’il s’asseye. Nous étions en territoire sorcier. Je pouvais user de la force sans avoir me retenir. Les gens du coin sauraient très bien déployer les boucliers qui vont bien, en cas de bagarre. Cela a du bon de travailler à domicile. Les règles des sorciers noires étaient redoutables de simplicité. Qu’importe la méthode, seul le résultat compte. Pour l’heure, j’avais faim… Si ce gugusse avait l’obligeance se s’assoir… Je pense que mon regard exprimait parfaitement mon état d’esprit.